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Né en 1985, Léaustic fait partie de nouvelles générations artistiques nourries par la diversité de démarches qui s'éveillent dans les écoles d'art et qui reconnaissent « l’importance du medium (le corps physique) dans la construction de l’entité symbolique/objet d’art ». Il a aussi frotté sa sensibilité aux dispositifs, ses projets empruntent à un large éventail de cultures (sub ou high, local ou global) et à tous les savoir-faire notamment scientifiques et technologiques. Questionnant le monde dans lequel il l'a fait naître, il inscrit cette pièce dans une recherche fondamentale qu'il mène avec le Centre des Mathématiques Appliquées (CMA) et l'EnsadLab.
Recherche qui porte sur une lecture critique des savoirs scientifiques en utilisant les moyens de création pertinents pour mettre en perspective ces questions. « Le CMA utilise la modélisation prospective pour mettre en regard la globalisation économique et les changements climatiques, explique-t-il. Son objectif est d'avoir une vue sur les sociétés qui s’annoncent en fonction de la problématique de la raréfaction des matériaux et de toutes les interrogations que cela pourra poser. Ainsi j'ai fait une liste de matériaux qui condensent les enjeux environnementaux comme la terre, l'eau, le carbone, et j'en fais le terreau des œuvres que je suis en train de concevoir. Les données traitées par le CMA créent des scénarios réalistes, qui prennent en compte l'état de nos connaissances actuelles, mais qui sont aussi de l'ordre de la fiction, donc nécessairement faux. Ce n’est pas pour autant de la science-fiction car ils ne peuvent pas mettre en jeu une science ou des technologies qui n'existent pas encore. Ces scénarios d'anticipation sont la genèse de mon travail. Ma pensée principale est d'incarner une réflexion au travers de productions artistiques, le but n'est pas d'être catastrophiste mais d'exploiter la phénoménologie et la morphogenèse naturelle pour en faire valoir l'expérience sensible. »
Attaché avant tout à l'artisticité de l'œuvre, à son pouvoir et aux actions qu'elle peut susciter, Léaustic souhaite qu'à l'apparence matérielle réponde une rigueur scientifique. Mais il se refuse à se plier à des attentes morales déléguant ce rôle au public. Ses installations convoquent les imaginaires contemporains imprégnés par les informations alarmantes auxquelles ils sont de plus en plus nombreux à accorder du crédit. Chaque visiteur, à partir de son expérience particulière, détermine la valeur sensible et conceptuelle de ses œuvres.
Texte : Anne-Marie Morice en Janvier 2020 pour Trans/Verse, plate-forme contributive sur l'art contemporain.
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Je suis actuellement doctorant au sein d’un programme de PSL (Université de recherche Paris, Science et Lettres) appelé SACRe (Science Art Création Recherche), chercheur associé à l’ENSADLab (laboratoire de recherche de l‘école des Arts décoratifs de Paris) et au Centre des Mathématiques appliquées (CMA) de l’École des Mines Paris-Tech. Au contact du CMA, j’étudie la manière dont les scientifiques développent des modèles mathématiques prospectifs afin d’établir des scénarios sur de futurs mondes possibles, qui sont ensuite soumis aux pouvoirs politiques dans une volonté de guider et d’appuyer les décisions ministérielles. Ces scénarios pointent les tensions à venir liées aux enjeux environnementaux, à la transition énergétique et de manière générale aux hangements climatiques. Mon processus de recherche consiste à considérer ces modélisations comme des fictions que je sonde, scrute et analyse à mon tour. De mon interprétation sensible naissent des œuvres qui incarnent ces récits tout en les libérant de leur trame narrative et d’une moralisation qui conditionneraient l’imaginaire du regardeur. C’est pourquoi je me définis comme un « auteur de fiction d’anticipation non narrative ». De ces ponts permanents entre ingénierie et art, j’avance l’hypothèse que la marge d’erreur, en mathématiques appliquées et dans les modèles que j’étudie, constitue un espace sensible de création artistique. C’est dans cet interstice, différenciant un futur possible d’un futur réel, que mon travail plastique se déploie. De fait, l’aléatoire est une composante majeure de mes œuvres, au même titre que la notion de cycle. C’est grâce à ces notions que la nature peut exalter son potentiel esthétique et son pouvoir d’évocation. Mes pièces arborent par conséquent une dimension esthétique puissante, car c’est par cette expérience que commence selon moi la création d’une pensée. Les phénomènes physiques en jeu — tout comme les matières, les formes et les couleurs — créent un sens que je mets au service de mes installations. Parfois le hasard me conduit à voir ou à capter des éléments de mon environnement qui, une fois reproduits, entrent dans l’ordre du calcul et du contrôle aléatoire. Ainsi est-ce par ces allers-retours que je négocie le hasard et la nécessité, et qu’émerge paradoxalement une sorte d’horizon magique dans mes œuvres.
Texte co-signé avec Marion Zilio en 2019 à l'occasion de la publication d'un livre d'artiste pour les 5 ans du prix "révélation" de la fondation EMERIGE.
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Les œuvres de Fabien Leaustic peuvent sans doute être qualifiées de formes limites, en ce qu’elles tendent à déjouer la forme elle-même et ce qu’elle a d’autoritaire, dans l’histoire des idées, des sciences et de l’art. En mathématiques complexes, le champ de formation initiale de l’artiste, la « modélisation » compose ainsi avec les limites du savoir ; comporte une marge d’erreurs. C’est dans cet interstice que s’inscrivent les dispositifs jubilatoires de Fabien Leaustic, qui déplace les phénomènes physiques hors de leurs contextes habituels pour en renouveler la perception. Et relancer la pensée.
Un geste des plus simples – apposer une fine couche de terre sur une vitre pour l’y laisser sécher (Abri, 2016) – rejoue à nouveaux frais une phénoménologie quotidienne : l’effritement de la matière percée de lumière, sismographie des vibrations rythmant le temps de l’exposition, peut évoquer « un lieu qui puisse abriter sans être enseveli, qui protège sans étouffer » (Vitruve, De Architectura, II, 1), soit la forme première de l’abri. Les Cariatides (2017), fines colonnes le long desquelles s’écoule continuellement le même paquet de terre glaise à l’état liquide, révèlent la perfection propre au pigment dans sa labilité soyeuse, odorante et sensuelle. Une sculpture fluide, « crue » pourrait-on dire si l’on se souvient que ce matériau se destine plutôt au four d’un céramiste, qui n’est pas tant ici mise en forme que mise en mouvement.
Les réalisations de Fabien Leaustic sont ainsi des processus en cours, qui n’occupent plus seulement l’espace mais aussi le temps de l’exposition, questionnant la pérennité de l’œuvre. Manipulant cette fois le vivant, Monolithe (2015-2017) s’apparente à une imposante stèle rectangulaire qui accueille le biotope inédit d’un phytoplancton se développant hors du milieu aqueux. Produisant de l’oxygène, ce dernier modifie peu à peu la composition chimique de l’environnement au sein duquel évolue le visiteur.
Les espaces sensoriels de l’artiste confrontent systématiquement une forme orthonormée, rigoureuse tel un hommage à la sculpture minimale américaine, à une force naturelle qui vient la compléter. Entre art et science, Fabien Leaustic semble travailler tout contre cette dernière : si le scientifique est sensé lever le voile sur les mystères du monde, l’artiste semble entreprendre de le réenchanter, de rebeller notre capacité de fascination face aux phénomènes qui nous entourent. Nous rappelant que l’intuition – cette plus haute capacité de l’intelligence, selon Bergson - se révèle face à l’inconnu.
Texte : Marine Relinger - 2017
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Ingénieur mathématicien avant de passer par l’école des arts décoratifs, Fabien Léaustic engage dans sa démarche une esthétique de l’organique. La matière s’introduit dans l’espace muséal (ou dans les espaces d’expositions) comme élément non-figé, comme force de transformation en perpétuelle évolution. Lors de la précédente biennale Némo en 2017, des phytoplanctons s’inscrivaient sur d’immenses structures parallélépipédiques. Même le titre de la pièce, Ruines, amenait à repenser une dynamique des espaces désœuvrés, tel un petit chant d’espoir pour rappeler que même si la vie est parfois simplement invisible à l’œil nu, elle est toujours à l’œuvre. La conversation avec l’artiste était l’occasion de rappeler que sa propre démarche est perpétuellement remise en question et que d’un travail à l’autre, la question de l’éco-conception se précise, ainsi en comparaison d’une monumentalité coûteuse en matière première et en énergie pour NUIT BLANCHE Paris de 2018, sa dernière installation, La terre est-elle ronde ?, visible en ce moment au 104 dans le cadre de la biennale Némo, se veut plus économe. La démarche (qui se veut réflexive) est mise en face des enjeux actuels et tend elle aussi à s’affirmer dans un monde moins énergivore et plus attentif aux multiples facettes qui constituent le travail artistique.
Texte de Céliane Svoboda en novembre 2019 à propos de la table ronde "L'art réchauffe-t-il le climat?" animée par Alice Audouin au Silencio, Paris (75002)
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Avec ses deux installations visibles au Tetris, Fabien Léaustic affirme délivrer « un message politique sans pour autant être moralisateur »
Fabien Léaustic présente deux installations au nouveau rendez-vous des arts numériques du Tetris, Exhibit ! Elles font écho à l’eau, au béton, au pétrole, très présents au Havre. Exsurgence... Ce terme ne vous dit rien ? Il s’agit d’une apparition ou d’une réapparition d’une source d’eau. C’est aussi le titre que Fabien Léaustic a choisi pour l’une des deux œuvres qu’il présente au Havre dans le cadre d’Exhibit !, le festival dédié aux arts numériques, qui se tient au Tetris tout l’été. Le jeune homme qui expose son travail à l’étranger comme en France au Palais de Tokyo. Il fait partie des 16 artistes invités pour l’exposition Paysage-fiction. Exsurgence, créée spécialement pour Le Havre, consiste en un trou dans un mur derrière lequel s’écoule de la terre liquide. Une œuvre surprenante donc, évoquée plus en détail par l’artiste, qui expose également La couleur des images.
Comment vous définissez-vous ?
Fabien Léaustic : « J’ai une pratique qui se situe à la frontière entre les arts et les sciences, ce que permet mon double bagage, mes études d’ingénieur et celles à l’École nationale des arts décoratifs de Paris. Je travaille aujourd’hui en collaboration avec des scientifiques. Depuis cinq ans, je travaille essentiellement avec des fluides et depuis deux ans, j’expérimente la céramique liquide : il s’agit de terre mélangée à de l’eau. Cela me permet de travailler la couleur, le degré de viscosité... »
Comment justement conjuguez-vous art et science ?
« Souvent, on se fait une image des arts et des sciences comme de deux mondes que tout oppose. Grâce aux collaborations que j’ai eues avec des scientifiques, j’ai découvert qu’il y a des ponts qui existent entre méthodologie de recherche et intuition. C’est très important pour moi de mettre en avant ces ponts-là. Aujourd’hui, l’objet de la recherche est souvent la rentabilité et c’est dommage car on en écarte des domaines plus sensibles comme la philosophie. À l’époque, dans la recherche, on laissait une grande place au hasard. C’est comme ça qu’on a fait de grandes découvertes comme le vaccin. Alors de plus en plus, aujourd’hui, on observe un effort de jumelage entre art et science pour réexplorer cette sensibilité. »
Quelles pièces présentez-vous pour l’exposition Exhibit ?
« Il y a tout d’abord La couleur des images : c’est un écran d’1,25 m de diagonale serti d’un cadre en acier et recouvert d’une plaque de verre. Sur cette plaque, de la résine translucide pour imiter les gouttes d’eau. Je présente aussi Exsurgence qui est de la terre liquide qui coule en continu, enfermée dans un mur. Cela n’est pas sans rappeler à la fois le béton, matériau de la reconstruction et l’exploitation d’énergies fossiles comme le pétrole, très présent au Havre. »
Qu’exprimez-vous dans vos œuvres ?
« À chaque fois, dans mes installations, j’essaie de ne pas forcer l’interprétation. Le « regardeur » fait ensuite le travail de réflexion s’il a envie. Par exemple, dans Exsurgence, il y a pour moi un message politique sans être pour autant moralisateur. Quand on creuse un mur, on arrive aux fondations d’une maison ; c’est comme pour la société, on voit ainsi sur quoi elle s’est construite, l’exploitation d’énergies fossiles. »
En quoi vous inscrivez-vous dans une exposition sur les arts numériques ?
« Je suis très associé au Réseau art numérique. Mais l’appellation est pour moi à remettre en question car, dans mon cas, le numérique n’est pas le sujet de mes œuvres mais plutôt un outil pour les réaliser. »
Texte extrait de paris-normandie.fr au moment de l'exposition "Payage Fiction" de Charles Carcopino dans le cadre de "Un été au Havre" en 2018.
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Fabien Léaustic fait dérailler les mécaniques naturelles vers de nouveaux objets par une alchimie entre phénomènes biologiques et phénomènes teintés d’une certaine magie. Il tente de reproduire les échos de la nature, laissant s’infiltrer dans ses matières l’insaisissable.
Texte de Eric Gandit & Morgane Porcheron commissaires l'exposition "When mechanics fail" présentée à "Arondit" en Novembre 2018.
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L’eau de la paix
Fabien Léaustic rêve les métamorphoses de la matière, sa force plasmatrice, sa capacité à donner forme plus qu’à en épouser une. Le moment originel c’est la terre ; c’est elle d’où naissent les végétaux, elle qui conduit l’eau mais la détourne aussi, lui résiste, s’en imprègne, devient pâte ductile, glaise, limon. Le feu du four ou du soleil en fera une assise pour bâtir et pour détruire. Avec Fondation l’artiste a su jouer avec ces polarités. Les briques qui portent l’empreinte d’un pistolet parlent du sol d’où cette terre est extraite. Elles évoquent le Mexique, territoire accueillant qui fut aussi un théâtre de violence, celle des premières civilisations mexicaines, de la conquête espagnole mais aussi celle de notre vie quotidienne aujourd’hui comme le rappellent ironiquement ces pistolets pour enfants qui jouent « à mourir pour de vrai ». Fabien Léaustic est venu d’ailleurs indirectement à cette question puisque c’est la découverte des briqueteries qui l’a amené à y réfléchir. Ces briques faites avec du sable, de la terre et de l’eau trouvés dans la région, durcissent posées sur le sol sans protection si bien que leur processus de fabrication dépend étroitement des variations météorologiques. « En voyant ces briques en train de sécher, dit l’artiste, j'y ai vu tout de suite une armée ». Ce sont 2200 sujets qui, ensemble, composent finalement une pyramide d’un peu plus de 5 tonnes, aussi imposante que fragile, évoquant comme une gigantesque vanité le destin éphémère des civilisations face aux forces naturelles les plus élémentaires. Aguarte, l’autre pièce, parle aussi de guerre, « la guerre de l’eau », en l’occurrence, menée par les superpuissances pour accaparer une ressource locale indispensable à la vie de populations qui en sont indûment privées puisque ce bien commun est accaparé pour la production non seulement de sodas mais d’eau mise industriellement en bouteille et exportée par des multinationales sans scrupules. Le geste artistique ici est simple : redistribuer gratuitement cette eau à ceux dont la vie en dépend et qui ne peuvent la boire qu’en payant 10 pesos le litre. En réutilisant les codes graphiques des marchands d'eau Fabien Léaustic a employé la technique des peintures murales si courantes au Mexique. Pour cette marque d'eau créée par lui, il a choisi comme logo un détail du plumage de l'aigle du drapeau mexicain mais, par une inversion subtile, il lui a donné la couleur des fruits sur lequel l’Etat – rapace exerce son pouvoir. Sa première compétence technique – il a fait d’abord des étude d’ingénieur – alliée à sa formation artistique ont permis à Fabien Léaustic de créer une véritable fontaine grâce à la mise au point d’un système de stockage de l’eau qui, une fois purifiée, permet d’en tirer davantage dans la journée à un plus grand débit. Un contrat entre la fondation Casa Proal et l'entreprise responsable de l’installation et de l’entretien du filtre garantit l’opération pendant cinq ans. Durant cette période plus d'un million de litres d'eau sera fourni à la population soit à peu près l’équivalent de 100 000 euros par an. L’art, a-t-on pu penser, est la façon la plus élaborée dont une civilisation prend conscience d’elle–même. Cette manière de voir sans être fausse est limitée et dépassée. Les artistes ne se contentent pas de montrer ou de dénoncer ; ils sont les partenaires actifs des transformations sociales. Ils élèvent à une dimension supérieure ce que les administrateurs ne voient souvent qu’en plan. Cette vision artistique est de plus en plus indispensable à nos sociétés gagnées par la maladie de la rentabilité et de l’efficacité à court terme. Il ne faut pas moins mais plus de rêves et toujours davantage de moyens pour les partager. En partant d’un projet poétique et écologique, purifier l’eau, Fabien Léaustic a donné à son œuvre une dimension sociale et économique sans doute plus efficace que n’importe quelle décision technocratique.
Texte : Gilles A. Tiberghien - 2018
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Fontaine de village
La place vide de l’arme
La matière brute et première inspire Fabien Léaustic. Cette terre massée, malaxée et retournée avec langueur est comme un antidote à l’agitation d’un Mexique pris régulièrement de tremblements. Les grincements qui accompagnent les révolutions de la noria rappellent ceux d'un bateau qui tangue et la terre parcourue de remous, un ralenti de mer houleuse se contorsionnant. Cette vidéo propage un sentiment de paix, à l’instar des deux autres réalisations de Léaustic : une pyramide de briques rouges dont une des faces a reçu l’empreinte d’un pistolet d’enfant au moment du moulage et la mise à disposition d’eau potable sur l’aire de stationnement de la Casa Belin.
Texte : Michel Blancsubé - 2018
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On a longtemps prêté à l’image le pouvoir de prendre vie. Souvenons-nous. De Zeuxis trompant les oiseaux avec ses raisins et Parrhasios trompant Zeuxis avec ses drapés. Des monothéismes qui ont tous, tôt ou tard, montré une méfiance envers l’image et l’artiste, concurrent de Dieu dans l’acte créatif, risquant d’insuffler la vie à un morceau de terre glaise. On se souvient aussi des sorciers vaudous et leurs fétiches qui jouent l’indistinction entre l'image et l’être envoûté. Ou encore du pied, si vivant, que découvre Poussin dans l’atelier de Frenhofer dans Le Chef-d’œuvre inconnu de Balzac.
Création, vie et image ont des liens ténus et immémoriaux, qui prennent actuellement une nouvelle tournure. Pour les tenants de la seconde génération de bio-art, la vie est devenue enjeu politique, sur fond de transhumanisme et de capitalisme de surveillance. C’est le cas de Heather Dewey-Hagborg qui crée des impressions 3D du visage de quidams, à partir des informations extraites du patrimoine génétique trouvé dans les cheveux, mégots et chewing-gums recueillis par l’artiste ça et là dans les rues de New York. Dans une recherche plus esthétique, d’autres artistes, employant le numérique et des concepts tels que la générativité, l’interactivité ou l’hybridation, comme Miguel Chevalier, cherchent à produire des images vivantes, sans autre référent qu’elles-mêmes, agissant en fonction de celui qui les regarde.
Fabien Léaustic, lui, intègre la vie, la vie biologique, à son processus créatif, dans des dispositifs qui encadrent sa croissance. Il ne fait pas illusion de vie, il l’utilise pour faire image. L’installation Ruines, présentée au 104 pour la Biennale Nemo, regroupe huits monolithes, de tailles variables, qui se dressent dans l’une des alcôves du musée, agrémentée d’un dispositif d’écoulement d’eau et de plusieurs spots de chantier hackés en lampe agricoles. Sur les huit monolithes, Fabien Léaustic a disposé, au début de l’exposition, des phytoplanctons. D’abord d’un vert léger, les monolithes se sont assombris avec la croissance des organismes ; ils se sont chargés d’une matière sombre, algueuse ; certains ont commencé à décroître, en jaunissant légèrement, d’autres ont été attaqués par les champignons. L’installation a vécu. Ruines vient comme l’approfondissement d’une première installation montrée au Palais de Tokyo [Monolithe, 2015-2017] et s’apparente aussi à d’autres projets, où Fabien Léaustic encadrait la croissance de cyprès en contrôlant lumière et eau [Eau de Paris - Cyprès, 2016].
Ruines, c’est une installation organique — ce n’est pas si fréquent d’employer ce mot dans son sens littéral — qui permet de considérer l’exposition non comme un absolu, un objet figé, mais comme un processus évolutif, qui croît et parfois même décline, puis meurt. Une œuvre spatiale et temporelle ; un passage du white cube au labo. Il faut dire qu’avant sa formation artistique, Fabien Léaustic a arpenté les bancs d’une école d’ingénieurs. De cela, il a gardé le goût du fait scientifique, de l’expérience, du protocole.
Faire du vivant un matériau de création. Il convient de distinguer cela du bio-art, plus câblé avec les biotechnologies. Ici, la biologie suffit. Elle suffit pour dévoiler les marges du visible — les phytoplanctons sont des micro-organismes invisibles à l’œil nu —, et un processus de croissance, et donc d’économie. Ce qu’il y a de fascinant avec ces monolithes, ce sont aussi les échanges qu’ils entretiennent avec leur milieu et la manière dont ceux-ci conditionnent leur devenir. Devenir conditionné par l’air, la température, et les particules drainées par les spectateurs — ce que prouvent les champignons retrouvé sur l’un d’entre eux.
Comme d’autres artistes de sa génération, Verena Friedrich ou Hicham Berrada, Fabien Léaustic développe une pratique qui mêle l’esthétique des dispositifs scientifiques et/ou l’emploi de protocoles expérimentaux, à l’émerveillement de phénomènes très simples. Ce peut être l’odeur du jasmin chez Hicham Berrada ou la lévitation d’une bulle de savon chez Verena Friedrich. Chez Fabien Léaustic, c’est la légère cristallisation qui se fait à la surface du thé [Théinographies, 2017], la rétractation de la boue qui sèche [Abri, 2016] la révélation de pixels à l’écran grâce à la diffraction d’une goutte de résine [La couleur des nuages, 2016], ou, bien sûr, la croissance d’organismes vivants. Un art de protocole qui permet d’approfondir et de jouer avec des concepts clés de l’art moderne et contemporain — la croissance, l’auto-générativité, le hasard.
Enfin, avec une telle installation, comment ne pas s’arrêter sur son titre, Ruines ? Les monolithes de Fabien Léaustic adoptent le langage du majestueux ; ils ne sont pas sans rappeler une esthétique du monument, et de sa forme, bien souvent phallique. Sauf que s’y passe ce retournement amusant. Les monuments que l’on construit généralement dans la dureté du minéral, marbre et granit en premier lieu, ici sont constitués de fragiles tissus et d’encore plus fragiles organismes. Doit-on y voir un symbole écologique en apprenant que ces petits organismes fragiles, algues et bactéries, produisent par photosynthèse 50 % de l’oxygène de la planète, tout en étant à la base de la chaîne alimentaire maritime ? En tout cas, ces Ruines, surtout si l’on se rappelle que dans 2001, A Space Odyssey, le monolithe est synonyme de progrès et de savoir, ces Ruines en croissance et en déclin, s’apparentent de plus en plus à des vanités modernes.
Texte : Clément Thibault - 2018
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Leaustic Fabien est né en 1985 à Besançon. Diplômé d’une école d’ingénieur et de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs, il puise son inspiration dans l'intervalle mystérieux qui sépare les domaines de la science et des arts. Travaillant les matériaux bruts et élémentaires comme la terre ou le phytoplancton, il confère aux phénomènes biologiques une aura presque magique, réconciliant ainsi deux domaines que la tradition occidentale a peut-être trop longtemps opposés. Ses oeuvres renvoient à la force de la nature et à sa déconcertante simplicité, à l’inventivité de l’homme et à son éternelle bestialité. Fabien Léaustic vit et travaille entre Paris et Lons-le-Saunier.
Texte: Emerige Mécénat - 2017
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Chiche dit Alice et elle traverse le miroir, prenant bien soin de garder un petit éclat de verre en forme d’épée dans son jeans. Elle ferme les yeux, ne sait pas si elle monte ou elle descend. Dans cet ascenseur qui n’existe pas, elle entend des sons, des langages et sourit au vertige de l’invisible. Là voilà dans un grand jardin suspendu. En rouvrant les yeux Alice aperçoit « l’homme cerf » maître de cérémonie qui l’entraîne dans ce lieu du commencement, entre terre et ciel, vers « les théinographies ». Les tasses de thé fumantes d’orgueil s’offrent au regard d’Alice qui souffle sur la fine pellicule de surface, joue à construire une cartographie avec le doigt. Apparaissent des plaques tectoniques, en filigrane s’impose la fragilité du monde. Alice boit et devient grande, grande. Tourbillons, vents de tête et marée des fantasmes : la voici dans un immense hangar baigné de lumière où les effets d’otique changent les volumes. Elle marche dans l’eau, la boue, au milieu des planctons. Vogue vers elle une drôle de chaise longue. Pas d’Achéron pour Alice : elle s’envole bien calée dans son drôle d’avion. Quoiqu’il arrive, la poétique fait sens. Avec sa petite épée de verre, Alice ouvre le futur.
Texte: Dominique Daeschler - 2017
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L'artiste Leaustic Fabien puise dans les sciences, les mathématiques, la mécanique, la thermodynamique. Ses investigations l’amenant à fréquenter tant l’univers que l’esprit humain, il joue le rôle d’intercesseur auprès du spectateur où ses dispositifs amènent celui-ci à ressentir ce qui n’est pas censé l’être.
Texte: ArtJaws - 2017
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Fabien Leaustic vit à Paris en France. Il crée des œuvres sculpturales qui tout en étant physique, ont une esthétique éphémère. Les deux principaux éléments de son œuvre sont l’eau et la lumière qu’il utilise pour créer une interaction avec la technologie numérique. Fabien, issu de l’ingénierie, est diplômé de l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs de Paris. Ses créations sont faites pour fasciner, je découvre l’ingénuité dans la machine capable de nous transporter ailleurs, dans des paysages jamais vus, le but est d’attraper, de capturer les forces de la nature, et de produire des effets inattendus.
Fabien Leaustic creates sculptural work which while physical has an ephemeral aesthetic. The two main elements of his work are water and light which he uses to create an exchange with digital technology. Born in Besançon in 1985, Fabien Léaustic is a graduate of both Engineering school and the National School of Decorative Arts in Paris. In his conversion to artistic creation, he retains the spring of creation peculiar to the sciences, a way of illuminating a part of reality and of revealing its magic. His machines fascinate, he finds the ingenuity of a machine capable of transporting us elsewhere, in landscapes never seen, the trick or expedient invented, the ploy to seize, trap the forces of nature, divert them for the Work, produce unsuspected effects.
Texte: EUCIDA - European Connections in Digital Arts - Espace Multimedia Gantner - 2017
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Fabien Léaustic, né en 1985, conjugue un double cursus et est diplômé d’une école d’ingénieur et de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris. Au fil de l’Histoire, des passerelles se sont créées entre art et sciences. Si leurs modes d’investigation diffèrent, leurs interrogations restent la même et il semble, aujourd’hui, que les sciences soient un nouveau territoire d’expression et de créativité pour les artistes d’art contemporain. Fabien Léaustic a créé un univers scientifique et artistique qui lui est singulier et propose de nouvelles formes de narration où se confondent expérience et poésie. Il continue de puiser dans les sciences la matière première qu’il exprimera dans son écriture plastique, ainsi que la manière d’expérimenter. La genèse de son travail prend sa source dans l'invisible dans lequel nous vivons et il nous amène à ressentir des mondes insoupçonnés. Sa collaboration avec les chercheurs de différentes disciplines lui ont appris que l'idée d'avoir un but devient un frein. C’est sur le chemin de la recherche que l'on trouve des choses plus intéressantes que l'idée initiale. Le hasard et l'aléatoire sont plus riches que le but recherché, d’où le vagabondage de l’imagination et la notion de sérendipité. Ces œuvres, par le biais de ses installations, vidéos, machines électroniques et optiques, donnent vie à des dispositifs hybridant création et recherche scientifique. Le plasticien met en place des collaborations transdisciplinaires avec les chercheurs pour associer compétences et sensibilités et créer ainsi réflexion solide et pensée créative. (...) La recherche suggère de nouvelles formes à l'art, les œuvres de Fabien Léaustic décloisonnent les disciplines et nous interpellent soit par la complexité de sa technique soit par leur traduction plastique. La puissance de la nature est pour lui une source de créativité et le plasticien cherche à l’égaler ou la surpasser dans ses recherches. En tant que révélateur, nous transfère dans une autre réalité, pour nous donner à voir une œuvre esthétique qui aiguise notre curiosité et qui se traduit par une narration poétique.
Texte: "Art et science territoires partagés" de Véronique Terme, pour le catalogue de l'exposition "In Natura" organisée par ARTAIS au DOC à Paris (Septembre 2017)
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Fasciné par l’histoire de la science et des arts, Fabien Leaustic invente des machines et des concepts au bon souvenir de Vitruve et des cartographes du XVIIIe siècle. Ses instruments et ses robots rappellent ceux de Léonard de Vinci, ses cartes celles de Piri Reis, et son attrait pour la botanique la curiosité de Buffon, de Linné. Ingénieux et poétique, instinctif et réfléchi, Fabien Léaustic renouvelle le modèle de l’artiste classique de la Renaissance, qui se voulait à la fois homme de science et créateur d’art.
Texte: Emerige Mécénat - 2017
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Au commencement il y a le hasard - une puissance à l’origine d’événements inexplicables – que l’artiste scrute et étudie au quotidien. En usant de la méthode scientifique, il tente de reproduire ces phénomènes presque insaisissables. La manipulation de ces événements lui permet d’en déployer les résultats aléatoires. Les œuvres qu’il invente, perturbent notre vision de la matière. Une lumière fractionnée en réseau aléatoire, une composition atmosphérique modifiée et un nouveau mode de cartographie décomposent notre appréhension de l’espace pour mieux réinventer notre monde actuel. Percevons-nous alors un monde imaginaire ou un monde en voie d’être modifié ? Le doute qu’installe Fabien Léaustic dans son travail passe par l’appropriation d’évènements à priori banals qu’il vient sublimer. L’artiste devient le révélateur de ces petits riens qui font des mondes. /et nous transforme./
Texte: Adeline Lacombe, pour le 87 - Art Exprim - 2017
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En explorant la science, la physique, la technologie, Fabien Léaustic détourne, puise dans les codes et les méthodes de la recherche scientifique pour en extraire des œuvres à l’écriture poétique. Des œuvres qui nous interpellent sur notre environnement. Des œuvres qui nous interrogent sur le concept du vivant, de la lumière, de ces matières palpable ou non-palpable, visible ou invisible qui sont le berceau de notre système…
Portrait réalisé par Anne Frederqiue Fer pour France Fine Art - 2017
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En se détachant de la rigueur scientifique et en introduisant une part de magie dans ses œuvres, Fabien Léaustic propose aux visiteurs un dialogue entre des domaines de prime abord antagonistes. Il établit des correspondances, qui ne sont pas sans évoquer les « synesthésies » de Charles Baudelaire, ces liens entre le monde des perceptions et celui des idées, entre le monde matériel et le monde spirituel, que seuls les artistes savent déchiffrer. Grâce à ce nouveau langage, au croisement entre sciences et poésie, Fabien Léaustic parvient à intensifier nos sensations, à nous faire ressentir la matière et à révéler les phénomènes naturels qui la régissent. Ainsi, avec son œuvre Aurore (2016), il reproduit et met en scène un arc-en-ciel permettant alors aux visiteurs d’en découvrir les secrets. L’artiste questionne l’origine du monde et de ce qui le compose : les phytoplanctons (organismes vivants primaires), la tectonique des plaques responsables de l’apparition des continents ou encore la terre crue symbole de l’apparition de l’habitat. Son œuvre est marquée par la manipulation de l’eau et de la lumière, prémisses de toute vie. Son œuvre Coleus (2016) révèle son désir de créer un jardin hors-sol et autonome, géré par des installations mécaniques. Inscrit dans une dynamique de perpétuelle évolution de ses œuvres et inspiré par l’impermanence de toute chose, Fabien Léaustic affine toujours davantage ses créations. Il n’est donc pas étonnant de découvrir ici Monolithe qui semble être la poursuite de la réflexion initiée avec Coleus. Enfin, c’est avant tout dans la contemplation, dans l’attention accordée aux détails les plus infimes, que Fabien Léaustic trouve l’imperceptible : une tasse de thé, un arc-en-ciel, un ciel gris ou encore un robot ménager. À partir de ces éléments familiers, il provoque des situations au sein desquelles se développent l’insolite et l’étrange : l’œuvre-artiste Horace (2016) présente un aspirateur ménager qui, géré par un programme électronique, dessine de manière autonome. Les machines ingénieuses de Fabien Léaustic emprisonnent les phénomènes naturels et nous les révèlent dans un cadre insolite. C’est de cette relation entre familier et étrange que se révèlent "les riens qui font des mondes".
Texte - Adeline Lacombe & Elena-Lou Arnoux pour "Le 87" - Art Exprim - 2017
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Fabien Léaustic est porteur et créateur de sens nouveaux, par la confrontation et l’osmose entre l’esthétique issue de l’histoire des sciences (les solides de Platon, par exemple) et celle de la technologie récente (le laser). Il met en lumière des propriétés inhérentes à la matière dans tous ses états, en zone de turbulence, zones que l’on retrouve aussi bien au fond de la mer, dans un verre d’eau, ou au plus profond de l’univers. C’est un artiste qui interroge les zones d’ombre de la connaissance. Il nous rappelle que tout est nature, que la nature est partout, jusque dans nos ordinateurs, fabriqués avec des matériaux naturels. Dans son atelier de Saint Denis, il me fait une démonstration étonnante : un aquarium rempli d’eau, du gros sel versé dans le fond. Un petit laser de sa fabrication dirigé à travers l’aquarium projette contre le mur l’image de ces remous que crée la différence de salinité. Comme un film, hypnotique, toujours renouvelé, de formes dont il me dit que la science ne sait pas les prévoir. Aucun modèle ne prévaut ici, laissant la place à l’art et à l’imagination. Des montagnes, des fleuves, des fonds marins, des éruptions solaires... : là se créent des images, des références universelles. Images que l’on retrouve, à l’identique, avec d’autres matières: dans la rencontre air chaud contre air froid, par exemple, mais aussi au sein du cosmos. A travers ces vibrations de la matière, Fabien Léaustic retrouve la cohérence de l’univers.
Du plancton aux étoiles _Dominique Chauchat _ Artais N°9 - 2016
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Fabien Léaustic, né en 1985, est un artiste qui présente comme particularité d’être diplômé en ingénierie. Puisant dans les sciences, les mathématiques, la mécanique, la thermodynamique, Fabien Léaustic effectue un travail de (re)conversion qui l’amène à emprunter les routes de l’art... Routes qui se croisent et s’observent depuis des siècles pour ne pas dire depuis toujours. ses investigations l’amenant à fréquenter tant l’univers que l’esprit humain, il joue le rôle d’intercesseur auprès du spectateur où ses dispositifs amènent celui-ci à ressentir ce qui n’est pas censé l’être. la lumière étant son principal outil est mis à contribution dans ses dispositifs où ce qui était ignoré car invisible est donné à voir tout autant qu’à ressentir au regardeur... la science étant au service de l’art afin de « dénuder » l’invisible et l’éphémère dans lesquels nous sommes condamnés ou assignés. a vue tout autant que l’ouïe du regardeur sont réquisitionnées par l’artiste afin de permettre une libération du regardeur. eau, lumière, machines, sons, optique, physique des fluides, numérique : expérience cosmique... Par le biais de ses installations où l’invisible et l’éphémère sont questionnés, Léaustic entreprend une œuvre où le scientisme devient sacré par les portes de perceptions qui s’ouvrent à nous.
À l'avant-garde de la jeune création _ Art Croissance N°10
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Les machines de Fabien fascinent, on y retrouve l’ingéniosité d’ un engin capable de nous transporter ailleurs, dans des paysages jamais entrevus, la ruse ou l’expédient inventé, le stratagème pour capter, piéger les forces de la nature, les détourner pour les faire travailler, produire des effets insoupçonnés, enregistrer et amplifier même ce qui échappe à notre perception...Ces « dispositifs optico-phoniques »- c’est ainsi qu’il les nomme- nous rappellent que nous sommes des êtres cosmiques, que nous habitons autant l’infiniment grand que l’infiniment petit, que l’art doit nous habituer , comme la science, à cette variation d’échelle. « Les machines de désir, les machines de création esthétique, au même titre que les machines scientifiques remanient constamment nos frontières cosmiques » dit Guattari dans « Chaosmose ». Ses machines concentrent ce qu’il y a de plus ancien dans l’approche scientifique du monde et ce qu’il y a de plus contemporain, elles réconcilient l’aspiration à l’ordre et la perfection des anciens comme principe de création, et cette énergie mythique qui produit de l’organisation stupéfiante à partir du chaos. Elles trouvent une voie entre la géométrie des solides et la dynamique des fluides. Dans leurs rouages, on retrouve aussi bien les solides parfaits de la science antique, tellement parfaits que Kepler prétendait y inscrire l’orbite des planètes , que les trouvailles les plus sophistiquées de la science contemporaine, tel le rayon laser, un dispositif qui augmente de manière significative l’émission de lumière et assure un faisceau monochrome qui traverse l’espace sans se disperser, tout en conservant l’énergie et la chaleur de la lumière.
Entre machines et « machinations » _ Georges Quidet pour HCE Galerie
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Diplômé en ingénierie, Fabien Léaustic poursuit ses recherches sur les interprétations possibles de l’univers et de l’esprit humain à travers le langage plastique. Ses connaissances en sciences optiques et physiques sont au cœur de ses dispositifs invitant le spectateur à ressentir de micro-phénomènes et à saisir l’imperceptible. Il sonde les limites de l’invisible et de l’éphémère, transformant un phénomène physique en surface d’expression artistique où la lumière joue le rôle de révélateur.
Texte de Sonia Recasens
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Fabien a étudié les sciences, les mathématiques, la mécanique, la thermodynamique et dans sa conversion à la création artistique, il garde le ressort de création propre aux sciences, une façon particulière d’éclairer un pan du réel, d’en révéler la magie. Si tout dans la nature tend au désordre, pourquoi y aurait-il de l’ordre ? Jusqu’à Copernic on a cru que les planètes erraient dans le ciel, d’où leur nom d’astres errants, et les épicuriens en avaient trouvé la justification fabuleuse : parce qu’ils poursuivent les feux dans le ciel dont ils ont besoin pour se nourrir…en inventant le dispositif “orbite 0.0” qui montre l’hésitation de l’astre, l’artiste produit la magie de la régularité et de cette mesure dans l’immensité de la démesure, et aussi l’énigme de cette puissance que les choses ont en réserve, et encore l’énigme du commencement qui n’en finit pas de recommencer, et puis encore bien d’autres questions pour nous insolubles, partagés entre le fini et l’infini… Toutes ces questions pour une merveilleuse trace de lumière bleue au ras du plancher.
Texte de Georges Quidet pour HCE Galerie
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Une vague au va-et-vient à peine visible, à la fois mobile et en suspens – à la verticale, contre le mur de la salle principale. Un banc de sable échoué – au plafond, au bord de la verrière. La trace d’un foyer qui a fait éclater le sol comme la peau d’un fruit, orné le mur aussi délicatement qu’un fusain. Seul volume de l’installation, la rouille qui se dépose entre deux plaques de verre dressées. Les quatre artistes usent de la galerie non comme lieu d’exposition, encore moins de déambulation, mais comme support. Ils l’ont brûlée, détrempée, découpée, comme une éprouvette dans un laboratoire. Les coordonnées spatiales et les lois de la physique en ont perdu leur pertinence. Pas de titres, des chiffres : 482, indice de viscosité ; 390, température en degrés Celsius ; 475, masse de ce sable sans poids ; 000, référence de la limaille de fer que l’air oxyde. On pense au Grand Verre, à la galerie Iris Clert désertée, à la Chambre aux Catastrophes Naturelles de Petites Dimensions de Jacques Julien et Paul Sztulman – cette famille d’œuvres qui dans leur fragilité renferment une idée de l’infini. Davantage encore qu’à une expérience de l’espace, c’est donc à renouveler son sens du temps, cette quatrième dimension, que le spectateur est invité. Tout est déjà passé, et tout se passe encore. De la flambée il ne reste que le noir, mais la vidéo la fait renaître en boucle. Le sable ne s’écoule pas, mais l’oxydation silencieuse du volume sert de sablier. La vague est plus lointaine au moment où elle semble plus proche. Ce temps actif et suspendu est celui que demande la contemplation d’un paysage, d’un visage ou d’une œuvre d’art. C’est aussi celui du mouvement paradoxal de l’artiste, entre retenue et abandon. Le temps du geste rejoint par le temps du regard.
Texte de Pascale Ratovonony pour l'exposition "Barycentres" à la galerie "Chez Robert"