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Aurore

2016
Lumière, eau et Techniques mixtes.
Dimensions variables.

Aurore : Transmettre les vibrations d’une découverte et en propager l’infini dans une recherche scientifique et artistique. En 1666 Newton n’a que 24 ans quand il réalise une expérience cruciale: avec un prisme il sépare les composantes de la lumière blanche et met en ordre les couleurs dans ce qu’il nomme le « spectre ». Avant lui, bien des savants rivalisaient d’ingéniosité pour percer les mystères de la lumière, certains avaient même réussi à isoler des rayons de différentes couleurs, mais jamais une expérience n’avait donné à ce point la révélation de la décomposition de la lumière. Il reproduit le phénomène de l’arc en ciel dans sa chambre obscurcie, rivalisant ainsi avec la nature dans ce qu’elle peut produire de plus merveilleux. À la gamme des notes de l’harmonie céleste il ajoute cette gamme des sept couleurs. C’est une véritable aurore pour la compréhension scientifique de l’ordre du monde: l’aube de l’investigation des ondes et de la spectroscopie, de la cristallographie puisqu’il vient d’utiliser les propriétés de réfraction du cristal, liées à sa composition d’une invraisemblable régularité.
La poétique installation de Fabien Leaustic, intitulée « Aurore » restitue à l’expérience de Newton sa puissance de révélation et sa plasticité, cette onde de choc qu’elle fait passer dans les salons du XVIIIème siècle et dans les esprits scientifiques jusqu’ à aujourd’hui.

Elle réincarne sa stupéfiante originalité, elle réinsère ses vibrations dans les réseaux actuels qui donnent une visibilité à la rencontre de l’art et de la science. Un mince rayon de lumière traverse l’eau d’un cristallisoir, se réfléchit sur le miroir qui en tapisse le fond et se diffracte sur le mur d’en face, projetant telle une apparition effervescente un arc en ciel qui libère ses couleurs, les annonce, les énonce, les exprime, les épuise. Précédé par un signal sonore, un dispositif très sophistiqué laisse tomber une goutte d’eau qui perturbe la surface de l’eau et donc le spectre lumineux, lequel est parcouru de violentes turbulences avant de retrouver son ordre initial. La perturbation se reproduit, de manière aléatoire. (...)

(...) C’est tout le dispositif expérimental qui est repris dans une posture « art contemporain », il se transforme en une machine chargée de science et de rêves pour remonter à l’origine des premiers arcs- en- ciel, lorsque les couleurs règlent leur ordre tout au long d’ébauches perturbées. L’imagerie scientifique figure un Newton illuminé par cette révélation divine, ce qui ne l’empêche pas de reprendre toutes les variables de son expérience avant d’apporter la preuve que toutes les couleurs du monde sont bien contenues dans la seule lumière blanche.

L’artiste est passionné par la représentation des grands commencements, de l’émergence de phénomènes physiques ou biologiques, le tout début, les premiers maillons de la chaîne alimentaire, de l’installation d’un astre sur son orbite, des changements d’état de la matière. En faisant apparaître toutes les couleurs, continues et bien rangées dans leur spectre, il se place à l’aurore des couleurs dans notre monde qui auraient très bien pu ne jamais être libérées du faisceau de lumière blanche qui les enferme : sans l’atmosphère notre monde serait sans couleur !l’arc en ciel hésite devant la beauté de cette révélation, il apparaît, se disloque, déborde mais reprend sa position initiale. Un peu comme l’aurore au point du jour, quand les premières lueurs blanches s’affirment après quelques vacillations, se révèlent comme la lumière du jour triomphante des ténèbres. De cette blancheur de l’aube (argos), de cette clarté, de ce moment de décision, de preuve et d’évidence, les grecs anciens ont tiré un mot qui donnera «argument». On pourra désormais évoquer «l’argument de l’aurore» dans ces noces hautes en couleurs de l’art et de la science.

Texte de Georges Quidet.
Œuvre produite par "Seconde Nature" pour l'exposition Irisation à la Fondation Vasarely.
Concepteur Volume: Vincent Combaut